Accueil Culture «Primitif» à La Galerie TGM : Quand l’esprit de l’enfant surgit à la surface

«Primitif» à La Galerie TGM : Quand l’esprit de l’enfant surgit à la surface

Un show en solo qui fait vibrer signes et couleurs, un geste libre et une pratique libératrice, fougueuse et dynamique, Ahmed Stambouli peint comme un enfant qui accouche ses peurs et les fait danser.

La Presse— Dans une dynamique de renouvellement qui a caractérisé toute sa carrière de plasticien, dans son impatience et sa fougue, dans son univers qui superpose les cultures, Stambouli peint souvent dans l’urgence avec une incroyable spontanéité qui met la surface vierge au défi. Sa dextérité et sa connaissance technique ont toujours raison de la toile, la dominent, défient ce blanc, ce vide pour revenir à lui. Il y a dans cette course vers la réalisation de la toile, dans cette impatience, une secrète volonté du subconscient de se mettre en valeur dans l’œuvre. Dans la spontanéité, dans cet acte quasi inconscient, dans cette transe fougueuse, le résultat en sort telle une représentation de ses pensées et de croyances latentes qui sont ramenées à la surface et puis et voilà que son âme d’enfant surgit à la surface, voilà que ce qu’il y a de plus intime en lui surgit sur la toile.

Et c’est dans la Galerie TGM qu’une large palette de l’œuvre de Ahmed Stambouli se met en Solo- Show, et nous sommes accueilli, par une première  série de petites toiles, des dessins au stylo noir, des personnages féminins qui se dressent comme des totems, formant un ensemble tel un parchemin ou du papier à journal. La couleur s’y dilue, s’estompe sur des personnages construits de symboles.

Entre ratures, et signes d’une africanité lointaine, ou d’une identité amazighe prononcée,  les contours ne se définissent pas. Et dans du jaune ocre, vert et marron, la couleur coule sous l’effet d’une surdose d’eau.

Dans l’œuvre d’Ahmed Stambouli,  les mêmes personnages transhument d’un cadre à un autre. Femme-Totem sans tabou, ventre porteur de vie et carrure faiseuse de vie. Et toujours ce semblant d’écritures, cette invitation au déchiffrage d’un graphisme en superstition qui se nichent l’une sur l’autre, l’une dans l’ombre de l’autre chargeant la surface et s’y diluent jusqu’à la transparence.

Les éléments graphiques naissent d’une spontanéité déroutante. Comme s’ils ouvraient une boîte de Pandore, celle de souvenirs de formes et de traits. Ses grands formats le libèrent encore plus et le contraignent dans une immensité encore plus désirée. Sur fond noir s’échappe la lumière qui forme des dessins. Comme des gribouillis d’enfant ou des notes sur manuscrits. Une mécanique intérieure d’une toile dynamique au goût inachevé.

Et on refait les contours au blanc comme avec de la craie. Comme s’il n’y en avait pas assez dans une première couche. Il insiste, il persiste, il ajoute et recadre et puis ses flèches qui conduisent vers nulle part sauf dans sa logique qui lui est propre, telles des indications sur une carte de chasse au trésor.

Plus nous regardons, plus les détails s’imposent à nous, des yeux, fenêtres sur le monde, ouverture vers une introspection, dans une asymétrie déclarée, assumée, décalée renvoie vers une image mentale qui se fixe dans d’autres dimensions avec d’autres pigments.

Et des personnages qui dansent, qui s’agitent, qui s’affrontent et qui suivent un mouvement dans une mise en scène qui invoque les esprits protecteurs.

Tel un enfant, qui évoque pour Picasso ou Basquiat, Stambouli patauge dans l’urbain, la street-art et le primitif rupestre habité par les rois et les chamans côtoyant les inscriptions et les signes-talismans. Nous avons beau chercher ses repères et références dans les motifs ancestraux, mais au bout du chemin d’un parcours plastique et artistique, nous rencontrons  ce guerrier venu d’une terre lointaine. Une terre riche et à la fois aride, habitée de mythes et de spectres. Un guerrier qui se dresse, sa lance à la main, dans une attitude menaçante et aux yeux larmoyants.

Et puis ce blanc qui revient toujours à la fin comme une touche finale, mais jamais pour intégrer l’ensemble. Il arrive comme une flèche, comme trait qui tranche la tête, qui vient briser le charme d’une harmonie des couleurs et des formes.

Un blanc grossier disgracieux qui s’interpose et qui colmate des brèches, qui efface négligemment des détails. Ou qui se plaque sur la surface déjà finie pour imposer une écriture nouvelle.

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